Orteils en griffe

Le terme « orteil en griffe » désigne une déformation fréquente des orteils, très souvent féminine. Elle s’exprime à cause des conflits entre l’orteil déformé et la chaussure et/ou le sol. Bien entendu cela n’a rien à voir avec les ongles en griffes des animaux, en tuile, primates mis à part.

Les causes des orteils en griffe

Les causes mécaniques

Tout comme l’hallux valgus, des causes mécaniques sont susceptibles de favoriser l’apparition d’orteils en griffe.

Les chaussures étroites et courtes resserrent les orteils et leur offrent un espace restreint. Les talons hauts agissent de même en propulsant l’avant-pied et donc les orteils contre le bout de la chaussure.

Les causes anatomiques

Plusieurs morphologies d’avant-pieds sont décrites, dont le pied « grec ». Dans cette situation, le 2ème orteil est le plus long, y compris plus long que le gros orteil. La conséquence est un risque accru de déformation de ce 2ème orteil qui vient buter contre le bout de la chaussure.

Pied grec : le deuxième orteil est le plus long de tous les orteils. Il vient buter contre le bout de la chaussure

Pied grec : le deuxième orteil est le plus long de tous les orteils. Il vient buter contre le bout de la chaussure

La morphologie globale du pied est aussi un paramètre important. Les pieds creux, dont l’arche interne est trop prononcée, s’accompagnent fréquemment de griffes d’orteils. Chez ces patients les métatarsiens sont très verticaux ce qui initie la déformation des orteils. Les symptômes peuvent apparaître alors, après de nombreuses années d’évolution. Il n’y a pas de traitement préventif.

Enfin, d’autres atteintes de l’avant-pied telle que l’hallux valgus sont une cause très fréquente de griffe d’orteil. En présence de ces anomalies, c’est tout le 2ème rayon (du 2° orteil jusqu’en arrière au 2° métatarsien) qui est surchargé mécaniquement. Les éléments anatomiques articulaires plantaires se dégradent et la déformation s’installe.

Il s’agit des causes les plus fréquentes de griffes d’orteils, mais bien d’autres peuvent se rencontrer, neurologiques, diabétique, traumatiques, congénitales…

Les différentes formes d’orteils en griffe

Tous les orteils comportent trois phalanges à l’exception du gros orteil qui en possède deux. Ainsi trois articulations peuvent participer à la déformation : métatarso-phalangienne (MP), inter-phalangienne proximale (IPP), et inter-phalangienne distale (IPD).

Plusieurs formes de griffes sont donc décrites en fonction de l’articulation (ou des articulations) atteintes :

  • La plus classique et la plus fréquente est la griffe proximale. La déformation concerne l’IPP et un cor se forme au dos de l’orteil ;
  • La griffe distale, appelée également orteil en marteau : la déformation concerne l’IPD et un cor peut se former au dos de l’orteil ou sur la pulpe ;
  • La griffe totale : c’est la somme des deux précédentes ;
  • La plus rare, la griffe inversée, ou en col de cygne. Les déformations concernent aussi l’IPP et l’IPD mais les cors sont situés à la fois au dos de l’orteil et au-dessous.
Orteil en griffe : griffe proximale avec cor dorsal en regard de l'articulation IPP

Orteil en griffe : griffe proximale avec cor dorsal en regard de l’articulation IPP

Orteil en griffe : griffe distale avec cor dorsal en regard de l'articulation IPD et cor pulpaire (invisible ici)

Orteil en griffe : griffe distale avec cor dorsal en regard de l’articulation IPD et cor pulpaire (invisible ici)

Orteil en griffe : griffe inversée avec cor dorsal en regard de l'articulation IPP et plantaire en regard de l'articulation IPD

Orteil en griffe : griffe inversée avec cor dorsal en regard de l’articulation IPP et plantaire en regard de l’articulation IPD

Des conflits entre les orteils peuvent apparaître. En effet la griffe déforme en général l’orteil dans l’axe. Mais il arrive qu’une déviation apparaisse qui fasse se chevaucher les orteils. On parle d’orteil supraductus (lorsqu’il se positionne au-dessus d’un autre) ou infraductus (lorsqu’il se positionne en-dessous). En général un syndrome d’hyper-appui sous l’avant-pied est associé.

La griffe déforme en général l’orteil dans l’axe. Mais il arrive qu’une déviation apparaisse qui fasse se chevaucher les orteils. On parle d’orteil supraductus (lorsqu’il se positionne au-dessus d’un autre) ou infraductus (lorsqu’il se positionne en-dessous).

Conflit entre orteils : 2ème orteil supradductus

Conflit entre orteils : 2ème orteil supradductus

Aspect postopératoire des orteils en griffe

Aspect postopératoire des orteils en griffe

Une autre atteinte apparentée porte le nom « d’œil de perdrix ». Les orteils sont resserrés les uns contre les autres et leurs reliefs osseux entrent en contact. La peau souffre et deux cors se forment en miroir, l’un face à l’autre sur les deux orteils concernés, dans une zone de macération normale entre les orteils, aboutissant au ramollissement et à l’infection des cors.

Conflit entre orteils : oeil de perdrix

Conflit entre orteils : oeil de perdrix

Les stades évolutifs

L’évolution des griffes doit être prise en compte. Lorsque la déformation s’installe, elle est réductible, pour s’enraidir au fil du temps et devenir fixée. Si l’évolution se poursuit, une luxation de l’orteil (dans son articulation MP) peut être observée. Ces stades évolutifs doivent être identifiés car les traitements ne sont pas identiques.

Les conséquences des orteils en griffe au quotidien

La principale conséquence de la griffe d’orteils est la réaction de la peau. La déformation place l’orteil en position de conflit avec la chaussure et/ou le sol. La peau s’épaissit en regard des zones de conflit, créant des cors, ou durillons. Cela correspond à la formation d’une hyperkératose. Ils peuvent être localisés au dos de l’orteil, mais également sous l’orteil ou à l’extrémité sur sa pulpe.

Ces cors sont sources de douleurs, parfois intenses notamment lorsqu’ils sont pulpaires.

En absence de traitement, des plaies se forment à leur surface et les cors s’infectent. Compte tenu de leur proximité avec les articulations, ces infections peuvent diffuser aux articulations et aux os correspondants. Une arthrite, voire une ostéite, peuvent ainsi survenir. La présence d’un diabète aggrave beaucoup la situation.

Comment éviter l’opération des orteils en griffe ?

La toute première solution consiste à adapter le choix des chaussures à la déformation. Des chaussures souples et spacieuses sont évidemment à privilégier.

Le pédicure-podologue est le professionnel de santé le plus à même de traiter les durillons. Il les excise en superficie, là où la corne (hyperkératose) est très épaisse. Il emploie pour cela des bistouris similaires à ceux du chirurgien. Ces soins sont temporaires puisque la peau (et donc la corne) se renouvelle à mesure que le conflit avec les chaussures se poursuit.

Une autre approche consiste à confectionner des moulages (appelés orthoplasties) en silicone pour protéger les orteils. Sur mesure, ils sont fabriqués par le podologue pour empêcher le contact entre les cors et les chaussures. Lorsque la griffe est encore réductible, il est rare que les orthoplasties réussissent à corriger la déformation. On ne peut pas parler réellement de traitement préventif.

Orthoplastie siliconée moulée sur mesure permattant de reculer la chirurgie des orteils en griffe

Orthoplastie siliconée moulée sur mesure permattant de reculer la chirurgie des orteils en griffe

Enfin, la rééducation peut aider à conserver la souplesse (c’est-à-dire la mobilité) des articulations. Ce traitement nécessite des soins réguliers et ininterrompus. Lorsque la rééducation cesse, l’enraidissement se poursuit.

L’opération des orteils en griffe

Comment se décider

La règle en chirurgie orthopédique est de ne proposer d’intervention qu’en cas de gêne réellement présente. Bien entendu, elle ne se conçoit qu’après échec des traitements simples décrit plus haut.

Une seule circonstance doit faire opter pour un geste opératoire préventif : le patient à risque d’infection. A titre d’exemple, le patient diabétique présente des risques importants de développer des infections à cause de sa maladie. C’est pour cette raison qu’il ne faut pas attendre chez lui que la situation s’aggrave car elle pourrait ensuite se diffuser. C’est d’autant plus vrai qu’il présente également des difficultés de cicatrisation qui rendra la situation encore plus délicate.

D’autres pathologies peuvent faire adopter la même attitude, comme les atteintes neurologiques ou l’artérite des membres inférieurs.

Les principes chirurgicaux

L’excision isolée des cors est insuffisante puisqu’ils ne sont que la conséquence de la déformation. Il faut donc agir de façon à remettre à plat l’orteil, et si possible éviter la récidive de la griffe.

Deux types de structures anatomiques sont l’objet de la chirurgie :

  • Les parties molles : tendons et enveloppes articulaires. Ils participent à la déformation en se rétractant et empêchant la remise à plat de l’orteil. Ils sont donc allongés ou sectionnés.
  • Les os et les articulations sont les « victimes » des rétractions des parties molles. Néanmoins, les os peuvent être sectionnés (ostéotomie) et les articulations bloquées (arthrodèse) afin de pérenniser la remise à plat de l’orteil.

Deux familles de techniques chirurgicales sont utilisées. Les deux ont toutefois les mêmes objectifs qui respectent les principes énoncés: la chirurgie classique et la chirurgie percutanée

La chirurgie classique

Les cors sont supprimés par des incisions qui permettent d’accéder plus en profondeur aux autres structures anatomiques. Les tendons, os, et articulations, font alors l’objet des gestes décrits plus haut, mais ils sont réalisés sous le contrôle de la vue.

Orteil en griffe : présence d'un cor dorsal

Orteil en griffe : présence d’un cor dorsal

Orteil en griffe : disparition de la déformation après chirurgie

Orteil en griffe : disparition de la déformation après chirurgie

L’utilisation de matériel, métallique ou non, n’est pas indispensable. Les corrections peuvent selon le cas être fixées au moyen de broches amovibles. Extériorisées à l’extrémité de l’orteil, elles font l’objet d’une ablation en consultation, sans la moindre douleur, quelques semaines après l’opération.

Chirurgie d'arthrodèse fixée par broches transitoires extériorisées à la pulpe

Chirurgie d’arthrodèse fixée par broches transitoires extériorisées à la pulpe

La chirurgie percutanée

D’apparition plus récente en France, les techniques de chirurgie percutanée répondent aux mêmes principes qu’en chirurgie classique. La différence réside dans la façon de pratiquer ces gestes.

Les parties molles sont sectionnées à travers des incisions millimétriques. A travers ces mêmes incisions, des ostéotomies et arthrodèses sont effectuées à la fraise motorisée. On obtient ainsi des corrections spectaculaires au prix d’incisions minimes.

Compte tenu de la très petite taille des incisions, il est exclu de mettre en place du matériel, à l’exception de broches qui peuvent être insérées en percutané.

Orteil en griffe : ténotomie percutanée du court fléchisseur

Orteil en griffe : ténotomie percutanée du court fléchisseur

Orteil en griffe : ténotomie percutanée du long extenseur

Orteil en griffe : ténotomie percutanée du long extenseur

Les cors sont laissés en place et régressent en quelques semaines puisque leur cause a disparu. Il faut donc savoir rassurer un patient inquiet de voir perdurer ces durillons.

L’intervention est menée sous anesthésie locale sensitive pure en ambulatoire. Les suites opératoires sont plus simples puisque les techniques moins agressives. Mais les complications existent tout autant et l’apparente simplicité d’une chirurgie avec de minuscules cicatrices ne doit pas les faire oublier.

Enfin, il s’agit de gestes difficiles nécessitant une formation chirurgicale solide.