Hyper-appui sous l’avant-pied : ce n’est pas un Morton ! Technique DMMO

L’hyper-appui sous l’avant-pied est un syndrome responsable de douleurs sous l’avant du pied liées à un surmenage mécanique avec excès de contraintes. La ressemblance avec les symptômes du Morton peut mener à une erreur de diagnostic catastrophique si le geste chirurgical n’est pas adapté.

Les pathologies de contraintes de l’avant-pied sont liées à des phénomènes mécaniques d’hyperpression d’origines diverses. Les conséquences pathologiques peuvent s’observer au niveau des têtes métatarsiennes, ou plus en arrière dans le pied jusqu’aux articulations tarso-métatarsiennes, de diagnostic plus difficile.

Les causes de l’hyper-appui sous l’avant pied

L’avant-pied peut être responsable

Une insuffisance de fonction du premier rayon (premier métatarsien) est en général en cause, celui-ci étant responsable principalement de l’appui au sol. La situation la plus fréquente est celle de l’hallux valgus décompensé, le premier métatarsien ne faisant plus son travail d’appui au sol. (metatarsus varus). D’autres causes sont décrites. Le défaut d’appui est alors responsable d’un transfert de charge sur les rayons voisins, source de désorganisation de l’avant-pied.

L’avant-pied rond

L’avant-pied rond traduit une hyperpression sur les deuxième, troisième et quatrième métatarsiens. La présence d’une hyperlaxité ligamentaire est responsable d’un étalement de l’avant-pied et d’une insuffisance fonctionnelle du premier rayon. Cela conduit à la suppression de l’arche transversale et l’apparition de métatarsalgies.

L’arrière-pied peut être mise en cause comme origine de l’hyperpression

Le déséquilibre peut venir dans le cadre d’un arrière-pied plat valgus, qui reporte de façon pathologique les forces d’appui. Au départ elles se portent par excès du coté médial, en particulier sur le premier rayon, puis progressivement sur les rayons latéraux.

L’hyperpression est présente dans le pied creux.  Plusieurs formes cliniques existent mais les verticalisations de l’avant-pied et de l’arrière-pied sont toujours présentes et responsables de l’hyper-appui. La présence constante d’orteils en griffes irréductibles aggrave les métatarsalgies antérieures.

La responsabilité de la cheville dans l’hyper-appui

La mise en flexion dorsale de la cheville lors du déroulement du pas est une caractéristique de la marche humaine. Sa perte entraîne une hyperpression sous l’avant-pied responsable des symptômes d’hyper-appui . C’est la raison pour laquelle une libération chirurgicale du muscle gastrocnémien (muscles du mollet) au genou, peut être proposée afin de diminuer les pressions sous l’avant du pied à la marche.

La raideur de la cheville avec perte de flexion dorsale conduit à la même situation.

Les signes cliniques de l’hyper-appui sous l’avant-pied

Cette perturbation se manifeste possiblement par des réactions de défense de type bursite ou hyperkératose des métatarsalgies antérieures. On peut observer aussi des déviations médiales ou latérales des orteils. La complication ultime est la luxation des orteils, difficile à traiter.

Hyperkératose réactionnelle à l’hyper-appui

Hyperkératose réactionnelle à l’hyper-appui

Certains types de contraintes peuvent se manifester non pas par des métatarsalgies d’appui ou des signes dégénératifs du médio-pied, mais par des fractures vraies. CeIa est désigné sous le terme de fracture de fatigue. Il s’agit de contraintes particulières, intenses. Le manque d’adaptation de l’os (sain par ailleurs) à ces situations conduit ici à une rupture. Tout se passe comme si les capacités de réparation étaient dépassées par l’intensité des contraintes, se manifestant alors par des microfissures. Elles touchent le plus souvent le col des deuxième et troisième métatarsiens, beaucoup plus rarement des quatrième et cinquième métatarsiens.

Les signes radiologiques

Le plus intéressant est certainement la modification de l’aspect du deuxième métatarsien avec en particulier l’épaississement de ses corticales. Cela prouve la réaction naturelle de l’os face à l’excès de contraintes.

Épaississement des corticales du deuxième métatarsien par transfert de charge

Épaississement des corticales du deuxième métatarsien par transfert de charge

Les troubles statiques de l’avant-pied peuvent s’accompagner de réactions névromateuses de Morton, non responsables des symptômes dans ce contexte. Il s’agit en général de petits névromes (5 mm), associés constamment à des bursites. Le traitement chirurgical donne des résultats catastrophiques, aggravant encore les signes d’hyperappui. Il faut se méfier des errements diagnostiques, conduisant par ignorance à désigner ces réactions névromateuses comme responsables des symptômes alors qu’il s’agit de traiter un hyperappui.  Cela s’oppose à l’indication idéale d’exérèse ou de neurolyse d’un névrome centimétrique sur un avant-pied exempt de tout trouble

Le traitement non-chirurgical

Le traitement consiste à redonner de l’appui au premier métatarsien et à diminuer l’appui sous les rayons latéraux. Le plus simple est de débuter par une orthèse plantaire. Celle-ci comporte un élément de soutien situé sous la partie distale du premier rayon (sous-antéro-capital, SAC). Cela est complété par un renflement situé en arrière des têtes des deuxième, troisième et quatrième métatarsiens, destiné à baisser les pressions situées à leurs niveaux : il s’agit de la barre rétro-capitale (BRC).

L’opération de l’hyper-appui sous l’avant-pied

En cas d’échec, la chirurgie restaure l’appui par une ostéotomie d’abaissement du premier rayon qui s’intègre habituellement dans la procédure de correction de l’hallux valgus. La technique mini-invasive permet cette correction.

Abaissement du premier métatarsien

Abaissement du premier métatarsien

On y associe des ostéotomies de relèvement des rayons latéraux par des modalités variées, qui se sont dernièrement enrichies de façon spectaculaire par les techniques percutanées. En particulier, les DMMO (distal metatarsal mini-invasive osteotomy) permettent une alternative intéressante aux classiques ostéotomies ouvertes de Weil. 

Distal metatarsal mini-invasive osteotomy ; ostéotomie de recul et d’ascension des métatarsiens latéraux

Distal metatarsal mini-invasive osteotomy (DMMO) : ostéotomie de recul et d’ascension des métatarsiens latéraux

Conclusion

Les pathologies de contraintes de l’avant-pied sont liées le plus souvent à une insuffisance fonctionnelle du premier rayon, responsable d’un transfert de charge de la partie médiale vers la partie latérale. Les pathologies de l’arrière-pied comme le pied creux ou le pied plat valgus peuvent également en être responsables et dégrader simultanément le médio-pied.

Les symptômes liés à l’hyper-appui peuvent se localiser spécifiquement sur l’avant-pied ou sur médio-pied. Les symptômes dont le patient se plaint sont très variés. Ainsi le diagnostic n’est pas facile à poser. La compréhension de ces causes mécaniques communes éclaire alors l’analyse de ces syndromes d’apparences différents.